Députée d'Indre-et-Loire
Membre de la commission Affaires étrangères
Membre de la commission des Affaires européennes
Catégories : Activité Parlementaire
Le 12 mai, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité une proposition de loi sur les soins palliatifs et l’accompagnement de la fin de vie. J’y ai apporté un soutien plein et entier. Ce vote consensuel montre que nous partageons une priorité : celle d’assurer à chacun un accompagnement digne, humain, et soulageant dans les derniers moments de sa vie.
Mais ce consensus masque une réalité plus inquiétante : aujourd’hui, la France ne dispose que de 2,9 lits en unités de soins palliatifs (USP) pour 100 000 habitants. Et 21 départements – parmi lesquels le Cher, la Creuse, l’Indre, les Pyrénées-Orientales ou encore la Guyane – n’ont pas de telles unités. Ces disparités territoriales, associées à la saturation des structures existantes, limitent sévèrement l’accès à ces soins pourtant fondamentaux.
C’est dans ce contexte que nous avons été appelés à examiner en parallèle une proposition de loi sur l’aide active à mourir. Ce texte soulève de nombreuses questions humaines, médicales, éthiques. Et je tiens à le dire clairement : mon abstention ne signifie pas que je rejette cette avancée de principe. Je reconnais que, dans certaines situations extrêmes de souffrance, une telle aide puisse être légitime. Mais l’encadrement prévu dans le texte ne me semble pas encore à la hauteur des exigences éthiques qu’un tel droit implique.
Les expériences étrangères doivent nous alerter. Dans plusieurs pays, on observe qu’une fois légalisée, l’aide à mourir prend progressivement le pas sur les soins palliatifs alors même que plusieurs études montrent qu’un nombre significatif de personnes changent d’avis lorsqu’elles bénéficient d’un accompagnement palliatif adapté. Je veux que la fin de vie reste un véritable choix, pas une option par défaut. C’est dans cette perspective que j’ai abordé les débats, avec sérieux, humilité et exigence. J’ai déposé et cosigné de nombreux amendements visant à sécuriser le texte et à protéger la liberté des patients comme la responsabilité des soignants.
C’est pourquoi j’ai jugé nécessaire de rappeler par amendement la priorité du principe d’autoadministration. Je me félicite que ce principe sera désormais inscrit dans la loi ; désormais, l’administration de la substance létale par un médecin n’est pas laissée à la libre appréciation de la personne mais conditionnée par l’incapacité physique de s’autoadministrer le produit. J’ai également obtenu, aux côtés d’autres députés, l’adoption d’un amendement gouvernemental rendant obligatoire la demande écrite de recours à l’aide à mourir. Cette formalisation garantit la traçabilité du consentement.
Mais je dois dire aussi mes regrets. Plusieurs amendements importants que j’ai portés ou soutenus n’ont pas été retenus. Je pense à la possibilité donnée au médecin de saisir le procureur de la République en cas de doute sur la liberté du consentement. Cette disposition aurait offert une protection supplémentaire aux plus vulnérables. Je regrette également le rejet des amendements qui prévoyaient que la décision d’aide à mourir soit systématiquement prise dans un cadre collégial, incluant des spécialistes en soins palliatifs.
Autre source d’inquiétude : l’adoption d’amendements rendant facultative la présence d’un professionnel de santé après administration de la substance létale. Le fait qu’elle puisse se dérouler sans encadrement médical soulève de réelles questions de sécurité et de dignité.
Certes, des avancées ont été obtenues, parfois arrachées au terme de débats exigeants. Je suis fière du travail parlementaire accompli. Mais il reste des zones d’ombre, et une offre de soins palliatifs encore trop fragile pour que je puisse aujourd’hui voter ce texte sans réserve.
Mon abstention est un choix lucide, motivé par le devoir de prudence, d’écoute et d’exigence. C’est aussi une manière d’exprimer ma confiance dans le travail du Sénat, qui devra poursuivre l’examen de ce texte et, je l’espère, combler les lacunes qui subsistent.
Ce vote est aussi nourri par les très nombreux messages que j’ai reçus de citoyens, de familles, de professionnels de santé. La fin de vie touche à l’intime, à nos peurs, à nos valeurs. Je continuerai, pour ma part, à défendre un modèle de société qui ne laisse personne au bord du chemin. Une société où l’on soigne, où l’on soulage, où l’on accompagne – avant de donner la mort.