Députée d'Indre-et-Loire
Membre de la commission Affaires étrangères
Membre de la commission des Affaires européennes

16 Août

Réponse européenne à l’IRA américain : J’auditionne les parties prenantes en tant que référente pour la CAEu

Catégories : Commission des Affaires Européennes

En mars dernier, je vous parlais de la loi sur la réduction de l’inflation (Inflation reduction act – IRA), cette loi américaine qui a des conséquences directes sur nos entreprises françaises et européennes (Article à lire : ici). Dans le cadre de mon travail de référente Marché intérieur, Concurrence, Numérique, Industrie, Recherche et Espace de la Commission des affaires européenne de l’Assemblée nationale, je me suis saisie de la question afin d’évaluer la réponse européenne à l’IRA mais aussi, et surtout, de proposer des recommandations concrètes pour améliorer nos politiques européennes en matière. J’ai ainsi pu commencer à auditionner les parties prenantes telles qu’un économiste ou encore Business Europe.

Délocalisation : des risques existants mais mesurés

Promulguée le 16 août 2022, l’IRA prévoit 369 milliards de dollars de subventions et favorise l’émergence d’industries vertes. Cette loi a un triple objectif : décarboner tout en réindustrialisant l’économie américaine et en renforçant la sécurité nationale face à la compétitivité de la Chine. Si les objectifs sont louables, cette loi comprend de réels risques pour les entreprises européennes, notamment de délocalisation et différentiel de compétitivité. En effet, cette loi dispose d’une clause de contenu local qui favorise l’utilisation de biens intermédiaires et les entreprises locales. Cette clause est contraire à l’article 3 de clause de traitement national de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cependant, la Cour d’appel de l’OMC étant actuellement non constituée et bloquée par les Etats-Unis, un recours à l’OMC ne permettra pas de résoudre ce problème.

Si les Européens s’inquiètent, à raison, du risque de distorsion de la concurrence et de délocalisation de ses entreprises, les inquiétudes doivent être mesurées. En effet, les investisseurs prennent en compte de nombreux éléments pour délocaliser leurs entreprises, il n’y a pas que les subventions. L’Union européenne (UE) dispose de nombreux atouts pour attirer les entreprises dans les filières vertes telles que le marché du travail, l’activité économique forte, des institutions solides, des infrastructures de bonnes qualités – notamment de transports, le respect du droit de propriété, une main d’œuvre de qualité ou encore des frais de douane avantageux – et nulles à l’intérieur de l’UE. Le prix de l’électricité reste cependant parfois plus avantageux aux Etats-Unis qu’au sein de l’Union européenne et c’est sur ces facteurs de l’UE doit agir.

Une réponse qui ne doit pas se limiter aux subventions

La Commission européenne a quant à elle agi à travers deux règlements en mars 2023, l’un sur les matières premières critiques (CRMA) et l’autre pour une industrie « zéro émission nette » (NZIA). La Commission souhaite également améliorer l’accès aux financements y compris les aides d’États et mobilise sa politique commerciale en négociant avec les Etats-Unis grâce à sa Task force EU-US.

Les auditions que j’ai pu mener nous mettent en garde contre la réponse simpliste du protectionnisme face au protectionnisme et des subventions en réponse aux subventions. En effet, ce type de réponse poserait un problème d’équilibre des finances publiques et créerait un effet d’aubaine. L’effet d’aubaine se caractérise par la subvention d’entreprises qui auraient, même sans ces subventions, investi. Une perte d’argent public telle n’est pas acceptable, il faut donc veiller à limiter les excès de subventions.

La réponse serait donc multiple. Selon nos auditionnés, des axes de réponses pourraient se trouver dans la simplification d’accès aux aides existantes, l’accélération des procédures d’obtention des subventions, dans la non-surcharge d’aides européennes par des conditions contre-productives telles que les charges réglementaires et l’adoption d’un cadre prédictible. Une politique active visant à réduire le différentiel de prix de l’énergie est aussi une direction prometteuse pour les autorités européennes, ainsi que la négociation, avec des pays tiers, d’accords commerciaux qui répondent à certaines vulnérabilités européennes dans les filières vertes, notamment concernant l’accès aux matières premières critiques.

Enfin, il est important de souligner que les Etats-Unis sont ouverts à la coopération et aux échanges pour l’amélioration de leur dispositif. Un accord de libre-échange entre l’UE et les Etats-Unis permettrait notamment de contourner la clause de localité. De plus, la Chine a également montré une forme d’agressivité en réindustrialisant son pays, et la réponse européenne à l’IRA américain doit aussi regarder du côté de ses autres concurrents.

Je vais poursuivre mes auditions ces prochaines semaines et proposerais des solutions concrètes au mois d’octobre prochain.

Publié le 16/08/2023
Sabine THILLAYE