Députée d'Indre-et-Loire
Membre de la commission Affaires étrangères
Membre de la commission des Affaires européennes
Catégories : Commission des Affaires Européennes
Après le sommet G7 en Cornouailles, Joe Biden a poursuivi son tour d’Europe en se rendant à Bruxelles lundi et mardi.
Il a participé à la réunion des leaders politiques de l’OTAN et a rencontré les dirigeants des institutions européennes. Au delà de la relance des relations transatlantiques amicales, cela a permis aux Européens de discuter l’autonomie stratégique de l’Union européenne avec le nouveau président américain.
Dans le cadre du sommet de l’OTAN de lundi, Joe Biden a d’abord rassuré ses alliés Européens : « Je veux que toute l’Europe sache que les États-Unis sont là ». Une phrase apaisante après les années Trump qui avait fondamentalement remis en question l’Alliance transatlantique. M. Biden a donc pris soin de souligner le « caractère sacré » de l’article 5 du traité de l’Atlantique du Nord, la fameuse clause d’assistance mutuelle.
Toutefois, son objectif principal était de convaincre les Européens d’une ligne dure contre la Chine que les États-Unis considèrent comme adversaire économique et militaire principal. Dans l’Union européenne, on souhaite en revanche poursuivre une approche plus nuancée vis-à-vis de l’Empire du Milieu. Ainsi, le président français insistait sur le fait de « n’être ni vassalisé par la Chine ni aligné sur le sujet avec les États-Unis“. L’autonomie stratégique européenne pourrait s’exprimer, ici, dans une stratégie de deux piliers telle qu’elle a été proposée par la chancelière allemande qui propose à l’OTAN une combinaison de dissuasion et de dialogue pour faire face à la Chine. En conséquence, l’approche européenne ne s’appuie plus sur le seul aspect économique, mais prend de plus en plus en considération des questions stratégiques. Les instruments qui ont été récemment adoptés par l’UE, comme le filtrage des investissements, la réciprocité des marchés publics et la stratégie 5G, devraient donc plaire à Washington.
Le second jour de la visite de Joe Biden a été consacré aux institutions européennes. Le président américain a rencontré les leaders de toutes les institutions européennes, dont la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Il s’agissait du premier sommet UE-USA depuis 2017. Ici, les discussions se sont concentrées sur les relations entre l’UE et les États-Unis qui seront, elles aussi, affectées par le concept de l’autonomie stratégique européenne.
Le président américain et ses interlocuteurs européens ont cependant choisi de régler certaines disputes au lieu d’évoquer les futures sources de désaccord. Un premier signe d’apaisement des relations commerciales entre l’Europe et les États-Unis a été envoyé par la suspension des droits de douane punitifs que les deux partenaires s’infligeaient dans le cadre du contentieux sur les subventions illégales accordées à Boeing et Airbus. Les sanctions seront suspendus pendant cinq ans avant de parvenir à une solution de long terme.
Néanmoins, ces signes d’apaisement ne doivent pas dissimuler le fait que l’UE et les États-Unis s’opposent encore sur une série d’autres dossiers. Joe Biden poursuit d’une certaine manière la politique « America First » de son prédécesseur, ce qui explique que les taxes sur les exportations d’acier et d’aluminium de l’UE n’ont pas été abolies. Par ailleurs, les plans de l’UE pour mettre en œuvre une taxe numérique sur les GAFA ne plaisent pas davantage à M. Biden qu’à Donald Trump.
A long terme, il y aura plusieurs instruments qui pourraient structurer l’autonomie stratégique vis-à-vis les USA. D’abord, l’UE prévoit d’adopter une taxe carbone aux frontières en printemps 2022 pour taxer les importations de pays moins vertueux en termes de lutte contre le réchauffement climatique. Cette taxe pourrait aussi toucher certaines entreprises américaines. De plus, les plans de Bruxelles pour réguler l’espace numérique communautaire devraient permettre à l’UE d’imposer ses règles aux géants américains du numérique et de les obliger à respecter la protection des données des Européens.
Pour conclure, la visite de Joe Biden a Bruxelles était rassurante au niveau rhétorique, mais les Européens ne devraient pas se faire des illusions en ce qui concerne la priorité de la politique américaine, qui continue de se concentrer sur le Pacifique. L’UE devrait donc poursuivre ses efforts pour devenir plus indépendante de son allié américain et cesser de croire en un retour au monde d’avant.