Députée d'Indre-et-Loire
Membre de la commission Affaires étrangères
Membre de la commission des Affaires européennes
Catégories : Commission des Affaires Européennes
L’Europe traverse une époque de crises multiples : crise de sécurité, crise systémique, crise de leadership. Au lieu de faire avancer ensemble les réformes au sein de l’UE, l’amitié franco-allemande s’use justement dans la lutte concurrentielle pour le rôle de leader au sein de l’Union européenne. Ce qu’il faudrait maintenant : un renouvellement du dialogue franco-allemand par l’intégration de nouveaux acteurs.
Scholz pose des tabous – Macron les brise
Depuis le début de la guerre en Ukraine, les approches française et allemande offrent une image paradoxale. Le Chancelier Olaf Scholz se fait remarquer par son mutisme et sa retenue tandis que le Président de la République Emmanuel Macron semble avoir trouvé dans ses propos, du moins du point de vue diplomatique, la bonne tonalité pour répondre à la menace russe. Or, l’Allemagne a envoyé en Ukraine plus d’aide militaire que tout autre pays européen. La France, en revanche, est de plus en plus critiquée pour son engagement. Dans ce contexte, l’accord de coopération entre la France et l’Ukraine du 16 février est un signe positif et important.
Néanmoins, certains désaccords subsistent des deux côtés du Rhin. Les discussions des dernières semaines sur les livraisons de Taurus et les troupes au sol offrent un excellent exemple de ce qui ne va pas dans la communication franco-allemande. Des moqueries et des accusations réciproques, de l’incompréhension et des surinterprétations. L’impression qui demeure : L’un pose des tabous, l’autre les transgresse. Les deux agissent indépendamment l’un de l’autre, pour ensuite se blâmer mutuellement d’être isolés en Europe. L’essentiel – aider l’Ukraine de manière efficace et suffisante – n’est plus guère à l’ordre du jour.
Cercle vicieux de la communication
Ce n’est un secret pour personne qu’Olaf Scholz et Emmanuel Macron ont des caractères fondamentalement différents et un véritable problème de communication. Moins de deux semaines avant les derniers accrochages, la conférence de Munich sur la sécurité a eu lieu. Peu de temps après, la conférence sur l’Ukraine s’est déroulée. Ce sont deux forums réunissant des centaines d’experts en sécurité issus des contextes les plus divers et offrant de nombreuses possibilités de se concerter, d’apporter de nouvelles idées et d’en discuter. Ces forums offrent la possibilité de trouver des compromis au plus haut niveau ou au moins de se mettre d’accord sur des principes concernant les principaux thèmes de sécurité actuels. Or, au lieu de trouver des compromis, on ouvre une fois de plus plein de boîtes qui masquent les véritables débats et qui ne seront plus refermée par la suite : Bombes nucléaires européens, attaques directes contre la Russie, troupes au sol en Ukraine.
Un véritable mauvais service rendu aux relations franco-allemandes, à l’Europe et à l’Ukraine elle-même, car les conséquences de cette politique marquée par la disruption sont désastreuses. Les populations des deux côtés du Rhin sont mises en émoi, ce qui ne devrait qu’accroître la lassitude face à la guerre. Au sein de l’Europe, l’unité étonnamment forte qui régnait jusqu’à présent se dissout dans des scénarios non imminents. Et l’Ukraine espère en vain trouver des solutions viables, notamment à son manque de munitions, pour continuer à résister à l’agression russe. Une situation typique de perdant-perdant.
Vers une relance du franco-allemand par des acteurs divers
Dans cette situation, il est important de prendre un moment pour souligner les nombreux objectifs communs :
* La préservation d‘une Ukraine souveraine,
* Une Europe économiquement forte et capable de se défendre et
* Un axe franco-allemand stable, qui peut être développé via le triangle de Weimar avec la Pologne.
Ce qu’il faut donc maintenant, à un moment où deux dirigeants ne semblent pas s’entendre, c’est un renouvellement du dialogue franco-allemand à un autre niveau. Heureusement, il n’y a pas deux pays au monde qui entretiennent des relations bilatérales aussi marquées et diversifiées, avec des canaux de discussion aussi variés à tous les niveaux, que l’Allemagne et la France. Il faut des acteurs qui prennent l’initiative de rapprocher à nouveau les relations franco-allemandes.
La collaboration des acteurs non gouvernementaux devient, dans ce contexte, de plus en plus importante. Les appels à la réconciliation, comme celui lancé début mars par la journaliste Michaela Wiegel dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung, ou bien les centaines d’acteurs de la société civile qui, à la fin de l’année dernière, se sont engagés dans de nombreuses lettres pour le maintien des instituts Goethe, sonnent juste à cet égard.
Mais en fin de compte, la responsabilité continue d’incomber aux politiques. Et c’est là que les parlementaires sont sollicités. Le « moteur franco-allemand », synonyme allemand du couple franco-allemand, ne doit pas toujours tourner parfaitement à l’huile. Les sujets difficiles peuvent être abordés, ils doivent même l’être ! Et pour cela, il n’y a pas besoin d’un nouveau forum, car celui-ci a déjà été créé il y a cinq ans précisément pour cette raison – pour traiter également les thèmes les plus complexes. Au sein de l’Assemblée parlementaire franco-allemande, les députés français et allemands se réunissent tous les six mois en séance plénière et régulièrement dans des groupes de travail. Il conviendrait de consacrer une attention plus particulière à cette Assemblée.