Députée d'Indre-et-Loire
Membre de la commission Affaires étrangères
Membre de la commission des Affaires européennes
Catégories : Activité Parlementaire
Faute de gouvernement, l’aspect législatif de mon mandat a quelque peu été mis sur pause ces dernières semaines. Cette situation m’a offert l’occasion de me consacrer pleinement à mon autre casquette : celle de présidente du groupe d’amitié France-Allemagne. Et le mois d’octobre a été particulièrement riche en initiatives et en rencontres qui témoignent de la vitalité de cette relation bilatérale si essentielle pour l’avenir de l’Europe.
La journée du 7 octobre restera marquée par deux temps forts qui illustrent la diversité et la profondeur des liens franco-allemands. Le matin, après une visite commune de l’Assemblée nationale, j’ai eu l’honneur de recevoir séparément en commission de la Défense deux groupes allemands : des étudiants de la Hamburg School of Business Administration (HSBA) et des « Jugendoffiziere » stagiaires de la Bundeswehr. Ces officiers de jeunesse, dialoguent avec les jeunes dans les écoles, universités ou associations sur les questions de sécurité et de défense.
Les échanges ont porté sur des sujets actuels : le financement de la défense, la coopération franco-allemande dans ce domaine, mais aussi sur des dimensions parfois moins visibles mais tout aussi importantes, comme le rôle de l’interculturalité. Ces discussions ont mis en lumière la nécessité d’une convergence accrue entre nos deux pays face aux défis sécuritaires actuels, mais aussi l’importance de former les nouvelles générations à ces enjeux.
Cette journée s’est prolongée en soirée par un événement inédit : une audition conjointe des groupes d’amitié France-Allemagne de l’Assemblée nationale et du Sénat, en présence de Son Excellence M. Michael Steinlein, ambassadeur d’Allemagne en France, et de Son Excellence M. François Delattre, ambassadeur de France en Allemagne. Cette réunion, rare et symbolique, a offert une occasion unique de réunir l’ensemble des acteurs parlementaires engagés dans la relation bilatérale.
Des messages de confiance et d’ambition
Les interventions des deux ambassadeurs ont été marquées par un message de confiance résolument tourné vers l’avenir. Son Excellence M. Steinlein a souligné que cette audition conjointe était inédite et a rappelé que la coopération franco-allemande est au cœur de son engagement politique. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 83% des Allemands font confiance aux Français, et 63% des Français considèrent qu’une coopération étroite avec l’Allemagne restera importante à l’avenir. Cette confiance mutuelle constitue le socle sur lequel nous devons bâtir des réponses communes aux défis de notre époque.
Son Excellence M. Delattre a souligné les avancées récentes qui ont permis des échanges plus productifs entre les deux gouvernements, et l’adoption d’un agenda commun depuis mai dernier. Cette méthode permet de dépasser une approche trop fragmentée à Bruxelles, traitée dossier par dossier, pour privilégier une vision stratégique d’ensemble articulée autour de trois priorités : la resynchronisation de l’agenda bilatéral (énergie, politique industrielle, défense), l’accélération de l’agenda européen, et la convergence des politiques sociales.
Le Conseil des ministres franco-allemand de Toulon a été salué comme un succès, le chancelier ayant lui-même évoqué « l’esprit de Toulon » comme source d’inspiration pour le partenariat.
L’urgence de la défense européenne
Si un sujet a dominé les échanges, c’est celui de la défense. Face à la menace stratégique durable que fait peser la Russie sur la sécurité européenne, accentuée par les incertitudes de la politique américaine, la construction d’une défense européenne crédible et indépendante s’impose comme une nécessité vitale. Les deux ambassadeurs ont insisté sur la nécessité d’accélérer la mise en œuvre du rapport Draghi qui a aidé à clarifier les défis devant nous et les réponses à y apporter.
L’augmentation massive des dépenses de défense en Allemagne – avec notamment un programme majeur de 35 milliards d’euros pour la défense spatiale – offre une formidable opportunité pour faire converger nos outils militaires et nos industries de défense. Les programmes SCAF (avion de combat du futur) et MGCS (char de combat du futur) cristallisent ces enjeux. Sur le SCAF, Son Excellence M. Delattre a été clair : au rythme actuel, nous ne serons pas prêts pour 2040, ce qui serait impensable. D’où la volonté française d’une opération « carte sur table » pour renforcer le leadership industriel sur le segment avion. Son Excellence M. Steinlein a rappelé de son côté l’importance de connaître et comprendre les lignes rouges de chacun pour avancer, soulignant la nécessité du dialogue et du compromis.
Un engagement qui se décline sur les territoires
Au-delà des grands projets industriels et stratégiques, la relation franco-allemande vit aussi par les territoires. Le groupe d’amitié du Sénat a lancé une initiative remarquable : cinq prix du jumelage franco-allemand, destinés à renouveler des jumelages parfois vieillissants. Ce sont finalement 220 candidatures qui ont été déposées, parfois avec des dossiers très fournis incluant des vidéos. Ce succès témoigne que le franco-allemand vécu par les communes reste très vivant et mérite d’être mis en valeur. Comme l’a rappelé Ronan Le Gleut, le franco-allemand n’est pas qu’entre les capitales : il faut développer les relations par les territoires et les communes.
Le dernier kilomètre appartient aux parlementaires
Les ambassadeurs l’ont répété : rien n’avance en Europe si l’Allemagne et la France n’avancent pas ensemble. Mais ils ont également souligné que les parlementaires des deux pays ont un rôle spécial à jouer dans cette relance. Le « dernier kilomètre », celui qui permet de faire converger les objectifs et les lignes rouges respectives, repose aussi sur nous. Son Excellence M. Delattre a insisté sur l’importance de la dynamique parlementaire franco-allemande, notamment à travers le format Weimar relancé depuis quelques années. C’est une responsabilité que je prends à cœur.