Députée d'Indre-et-Loire
Membre de la commission Affaires étrangères
Membre de la commission des Affaires européennes

17 Fév

La solidarité européenne par l’alimentation

Catégories : Commission des Affaires Européennes

Regards croisés sur des synergies innovantes pour soutenir les plus démunis

Sabine Thillaye et Clément Beaune, Secrétaire d’Etat aux affaires européennes, s’engagent pour l’accès à une alimentation sûre, diversifiée et durable pour tous.

Ils ont pris part ce jeudi à la conférence organisée par La Fédération Française des Banques Alimentaires (FFBA) et la European Food Banks Federation (FEBA).

« Assurer la souveraineté alimentaire a été – rappelons-le – une des motivations premières des Pères fondateurs de la construction européenne. La politique agricole commune (PAC) reste aujourd’hui le premier poste de dépense européen !

L’idée d’une banque alimentaire est ancienne et pourtant, elle n’a jamais été aussi actuelle. La première banque moderne a été mise en place en 1967 à Phoenix, aux Etats-Unis. En 1984, ce modèle s’est exporté en France et en Europe. Presque quarante ans plus tard, je veux ici insister sur le caractère visionnaire de cette idée car elle combine 3 ingrédients clés de la politique nous portons tant en France qu’en Europe.

En premier lieu, l’écologie : la lutte contre le gaspillage alimentaire est à l’origine des banques alimentaire. Ce combat reste d’une cruelle pertinence alors que 20% de la nourriture produite dans l’Union européenne est perdue ou gaspillée chaque année. Cela représente 173 kilogrammes de nourriture par personne ! Un vrai gâchis, y compris pour la planète, puisque les banques alimentaires réduisent l’impact environnemental de l’agroalimentaire en évitant le gaspillage et la non fabrication des équivalents qui auraient été produits sans leur intervention. Quand on sait que 67% des approvisionnements des banques alimentaires proviennent de produits sauvés du gaspillage, on réalise non seulement l’ampleur mais aussi le caractère essentiel de votre travail.

Dans le même temps, les banques alimentaires sont un acteur majeur de la lutte contre la pauvreté alors que 9,6 % de la population européenne ne parvient pas à s’offrir un repas de qualité un jour sur deux. A la faveur de la crise sanitaire, en dépit des mesures de soutien prises par les Etats membres et l’Union européenne, ce constat a empiré : en France, plus de 2,1 millions de personnes ont eu recours aux banques alimentaires en 2021, en général au moins une fois par semaine.

Plus grave encore, la précarité alimentaire touche aujourd’hui un public de plus en diversifié : on voit que les femmes sont surreprésentées, 70% des bénéficiaires sont des femmes tandis qu’un quart des bénéficiaires est diplômé du bac, signe que le diplôme est devenu moins protecteur contre la pauvreté. Un dernier chiffre, selon moi, le plus alarmant : 85% des bénéficiaires ont un logement stable. Autrement dit, la précarité alimentaire s’aggrave dans ce contexte de crise continue. Aujourd’hui, alors que l’augmentation des coûts de l’énergie renchérit davantage le coût de la vie, on sent une inquiétude légitime des français et des européens sur le pouvoir d’achat.

Dans ces conditions, il y a une grande noblesse à aider et soutenir son prochain tout en écoutant ses attentes et ses besoins. Les épiceries sociales, je crois qu’il y en a 850 en France environ, en sont un très bel exemple. Outre l’exemple de coopération entre les pouvoirs publics et le milieu associatif, elles permettent à ceux qui ont un revenu modeste de se nourrir en promouvant une image de soi positive, de dignité ! En accédant à un grand choix de produits, moyennant une participation financière modique, on offre aussi une forme de reconnaissance et on valorise le travail des personnes dans le besoin.

De plus, les banques alimentaires contribuent à la réinsertion professionnelle de publics éloignés de l’emploi. En France par exemple, au moins sept banques alimentaires sont agréés chantiers d’insertion. Evidemment, une de nos priorités au niveau national et européen a été de faire baisser le taux de chômage mais nous savons que le chemin de l’emploi peut être long pour ceux qui ont connu des longues périodes de chômage ou des parcours accidentés.

Combiner à la fois enjeux écologiques, pouvoir d’achat et réinsertion professionnelle dans un but social, en voilà un bel objectif et une prouesse qu’accomplissent tous les jours les banques alimentaires. Je dois le dire, je suis très admirative de votre dévouement. C’est pourquoi, je profite de la tribune qui m’est donnée aujourd’hui pour vous remercier infiniment pour votre travail si nécessaire et si précieux.

Comme je le disais, ces trois enjeux font partie des lignes directrices de notre action, à nous parlementaires, tant au niveau national qu’européen. Ce sont là des boussoles qui guident notre action.

A la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale, nous avons pour mission de suivre de près et d’exercer une forme de contrôle l’action de l’Union européenne. Nous recevons régulièrement les commissaires européens pour des auditions. En 2021, nous avons par exemple reçu Madame Timmermans avec la commission du développement durable, le sujet de l’agriculture et la réforme de la PAC ont fait partie de nos échanges.

Plus largement, à travers les rapports d’information et les résolutions européennes que nous examinons, nous faisons office d’interface entre la politique nationale et européenne.

Les questions environnementales en particulier, dont la lutte contre le gaspillage alimentaire, est un axe clé a été un fil rouge de notre travail, en particulier depuis le pacte vert européen. En se fixant comme objectif de devenir le premier continent climatiquement neutre à l’horizon 2050, l’Union européenne s’est imposée comme un leader de la transition écologique. Cela implique de mobiliser tous les secteurs y compris l’alimentation.

Dans ce cadre, l’Union a publié sa stratégie de la ferme à la table. Alors que l’agriculture est responsable de 10,3% des émissions de gaz à effet de serre de l’Union et que l’agriculture très intensive porte atteinte à la biodiversité et au bien-être animal, l’Union s’efforce d’apporter des solutions. Elle s’est par exemple engagé sur une baisse du recours aux pesticides de 50% d’ici à 2030, un soutien à la filière biologique pour que les surfaces cultivées représentent 25% des terres exploitées dans l’Union contre 8,5% aujourd’hui. Il y a une volonté des consommateurs notamment en Europe de favoriser les produits biologiques mais dans un contexte de baisse du pouvoir d’achat, ces produits sont inaccessibles pour de nombreux européens. Nous y sommes attentifs et avons de longs échanges sur le sujet.

En décembre 2020, notre commission examinait par exemple un rapport sur la sécurité alimentaire. Nous avons eu l’occasion de constater que l’Union européenne est très engagée sur la question du gaspillage mais que les législations nationales restent très éparses sur le sujet. C’est pourquoi, le rapport de Mme Osson (LREM) et de M. Chassaigne (GDR) – une des grandes forces de note commission est de permettre un travail bipartisan et consensuel – préconisait l’adoption d’une directive anti-gaspillage avec 3 objectifs clairs :

• renforcer les sanctions pour éviter la destruction des invendus ;

• sensibiliser davantage les ménages ;

• faciliter le don de produits alimentaires.

Je sais que favoriser la logique du don des pouvoirs publics et des ménages fait partie des enjeux que les banques alimentaires françaises souhaitent porter pour les prochaines élections européennes. Ce n’est pas un hasard ! En tant que parlementaires, nous devons être à l’écoute des citoyens mais aussi des acteurs du monde associatif, nous nous y employons activement.

Dans quelques semaines, dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne et de son volet parlementaire, la transition alimentaire sera au cœur de nos discussions.

Nous organisons en effet fin les 20 et 21 mars, la troisième conférence thématique qui sera consacrée aux politiques européennes au service des citoyens : politique agricole commune (PAC), pacte vert et fonds régionaux. Un débat portera sur la PAC et la qualité de l’alimentation, question au cœur du débat public et des préoccupations des citoyens européens. Ce thème permettra de discuter de la place des enjeux alimentaires dans la PAC, dans un contexte où un nombre croissant d’acteurs demandent à ce que la PAC se transforme en politique agricole et alimentaire commune (PAAC).

L’Union européenne et les Etats membres, apportent un soutien notable à l’aide alimentaire. Hier à travers le fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD) et aujourd’hui avec le nouveau fond social européen + (FSE +). Entre 2014 et 2017, plus de 12, 7 millions de personnes ont bénéficié de l’aide du FEAD chaque année. S’il représentait environ 12,5% de l’approvisionnement des banques alimentaires, le FEAD était surtout un complément indispensable aux dons sans pour autant peser sur le budget européen (il équivalait à 0,37% du budget de l’UE, soit moins de 1 euro par an et par européen). Il permettait principalement l’approvisionnement tout au long de l’année pour des produits rarement récupérés lors des collectes comme les produits secs, les surgelés ou encore les plats cuisinés.

Le FSE+ qui court depuis l’année dernière jusqu’en 2027 porte une ambition similaire. Son objectif numéro 11 est ainsi de « lutter contre la privation matérielle en apportant une aide alimentaire et/ou une assistance matérielle aux personnes les plus démunies, y compris en prenant des mesures d’accompagnement.

La France n’est pas en reste au niveau national puisque dès 2020, le Gouvernement a fait le choix d’augmenter de 144 millions d’euros le budget consacré à l’aide alimentaire cette année-là pour atténuer l’impact de la crise sanitaire. Le plan France relance quant à lui, prévoyait un soutien de 100 millions d’euros aux associations de lutte contre la pauvreté.

Vous l’aurez compris, l’alimentation et surtout l’accès à l’alimentation, la lutte contre la pauvreté constituent un vaste sujet au niveau français et européen. En tant que parlementaires et au sein de la commission que j’ai l’honneur de présider, nous y accordons un réel et sincère intérêt. »

Sabine Thillaye

Publié le 17/02/2022
Sabine THILLAYE