Députée d'Indre-et-Loire
Membre de la commission Affaires étrangères
Membre de la commission des Affaires européennes

28 Juil

Bilan de la PFUE dans l’hémicycle

Catégories : Activité Parlementaire

Ce 28 juillet, j’intervenais dans l’hémicycle au nom du groupe Démocrate, MoDem et indépendants sur le bilan de la PFUE, en présence de Madame Laurence Boone, Secrétaire d’Etat chargée de l’Europe.

Unanimement saluée par nos partenaires, la Présidence Française du Conseil de l’Union Européenne a permis de nombreuses avancées sur le plan social, économique et écologique.

Elle a aussi été au coeur de la crise que nous connaissons tous : le conflit en Ukraine. Loin d’être dépassés, nous avons su porter une voix diplomatique forte pour assurer les ukrainiens de notre soutien économique et militaire mais aussi en sanctionnant durement la Russie. 

J’ai aussi souhaité rappeler la place des parlementaires nationaux dans la conduite des politiques européennes. Aussi, nous espérons voir se multiplier ce type de débats, instructifs sur ce qui nous différencie mais aussi sur ce qui nous rassemble.

Si la PFUE a été globalement une réussite, les processus engagés devront être poursuivis par la nouvelle présidence tchèque et par l’ensemble des parties prenantes à l’Union.

L’intégralité de mon intervention :

« Madame la Présidente, Madame la Première Ministre, chers collègues,

Au nom du groupe Démocrate, permettez-moi de souligner la satisfaction de voir la seconde déclaration de notre gouvernement dédiée à des sujets européens. Notre hémicycle affiche des positions diverses sur les questions européennes, et c’est pour cela que, plus que jamais, nous devons en débattre, techniquement, politiquement, et toujours régulièrement.

Mais revenons sur notre sujet principal, le bilan de la Présidence française de l’Union européenne.

Dans un contexte national et international chargé, la France a su porter, une fois de plus, une voix forte pour l’Union Européenne et ses citoyens. Les sujets étaient nombreux : l’écologie, l’économie, le numérique, la justice sociale et bien évidemment l’enjeu qui s’est imposé à nous tous : l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

De la visite du Président de la République le 19 janvier 2022 au Parlement Européen, en passant par le Sommet de Versailles les 10 et 11 mars, la journée de l’Europe le 9 mai jusqu’au Conseil Européen de la fin juin, la France n’a eu qu’un objectif : renforcer l’autonomie stratégique et la cohésion de l’Union Européenne.

La Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier, les Traités de Rome ou le Traité de l’Élysée sont parfois de trop lointains souvenirs, et nous incitent à penser que l’Union Européenne va de soi. L’invasion de l’Ukraine par la Russie nous a rappelé à quel point nous devions rester unis et défendre nos valeurs démocratiques dans un monde de plus en plus fragile, fractionné et polarisé.

L’Union Européenne a été replacé au centre de nos préoccupations. Ce sont dans les moments de crises que l’on mesure la résilience et la solidité d’une organisation politique et notre Union a fait ses preuves.

Aussi, nous nous félicitons qu’en concorde, et sous l’égide de la France, de nombreuses sanctions contre la Russie et des mesures pour soutenir l’Ukraine aient été adoptées par l’Union Européenne.

Dans cet esprit, le groupe Démocrate salue et soutient la création de la Communauté politique européenne, une structure rassemblant les pays d’Europe qui se retrouvent autour de valeurs démocratiques communes. Cette organisation sera complémentaire à l’Union et non une alternative à l’adhésion, mais pourra faciliter les coopérations entre États dans des domaines de premier plan, tels que la sécurité, l’énergie ou encore les infrastructures.

Nous saluons également l’accord du statut de candidat à l’adhésion pour l’Ukraine et la Moldavie Ces possibles élargissements doivent bien sûr se faire de manière mûrement réfléchie. Ces peuples ont manifesté de longue date leur désir de rejoindre notre Union et il était de notre devoir d’entendre ces revendications, dans des moments si tragiques de leurs histoires. Cependant, on ne saurait se précipiter dans un processus d’adhésion qui, s’il n’est pas réalisé de manière concertée, risque de pénaliser l’Union, ses pays membres et les nouveaux entrants.

Grâce à ces actions, la France a démontré que le triptyque « Relance, puissance, appartenance », n’était pas qu’une promesse vaine ou un slogan mais un véritable projet politique.

Et nous devons poursuivre ces efforts et s’engager dans la voie de l’approfondissement de la défense européenne. Les querelles qui, il y a 70 ans, avaient empêchées l’émergence d’une communauté européenne de défense n’ont plus lieu d’être. Une réelle volonté doit émerger dans les prochaines années.

La crise en Ukraine a agi, à la fois comme un déclencheur et comme un catalyseur pour la défense européenne. Une stratégie commune s’est faite jour, avec une accélération de la mise en place d’une force d’intervention mais aussi dans la priorisation de sujets de recherche pour les infrastructures de défense (cyber, spatial etc.)

Beaucoup reste à faire, mais c’est la première fois que l’Union a fait preuve d’une aussi grande cohésion dans un contexte de conflit armé. Nous en voulons pour preuve les sanctions sévères concernent plus de 1 200 personnes ou entités russes liées à la guerre, les aides financières de près de 25 milliards € qui soutiennent et arment l’Ukraine ou viennent en aide aux réfugiés.

Il est cependant frappant de relever qu’alors que les États membres peuvent aligner 2,5 millions de soldats, près de 10 000 chars, 2 500 avions de combat, l’objectif d’une capacité de déploiement de 60 000 hommes peine à être réalisé. Dans le rapport Schuman pour 2019, la ministre des Armées Florence Parly relevait que 70 % de ces forces sont incapables d’opérer hors des frontières nationales et que l’armée américaine, qui compte moins de soldats (2,1 millions), bénéficie d’une capacité d’intervention sept fois plus importante.

Fort de ce constat, nous aimerions évoquer la Boussole Stratégique mise en place pour inverser la tendance. Élément majeur de l’ambition française de développer l’autonomie stratégique et les capacités de l’Union européenne, la Boussole stratégique a été adoptée lors du Conseil européen de mars, exactement un mois après le début de la crise en l’Ukraine. Elle repose sur quatre piliers – agir, investir, collaborer et sécurise. Elle fixe pour les dix prochaines années les ambitions de l’Union européenne en termes de sécurité et de défense, et liste les projets à mener pour y répondre. La mesure la plus visible est la création d’une « capacité de déploiement rapide » de 5 000 hommes d’ici à 2025.

Cependant la mobilisation de moyens humains et de forces opérationnelles ne peut être la seule réponse des européens à la crise en Ukraine. Les 30 et 31 mai, le Conseil Européen a ainsi demandé de cartographier et d’analyser la capacité de production des pays européens, notamment dans le domaine de la défense. Prendre ce tournant industriel, c’est, à terme, se passer des armes fabriquées à l’extérieur de l’Union et ainsi acquérir une autonomie stratégique encore plus forte.

Mais si l’invasion de l’Ukraine a bien sur marqué profondément l’agenda de la Présidence française du Conseil de l’Union Européenne, les autres thèmes que j’ai évoqués en introduction n’ont pas pour autant été négligés.

Ainsi, notre groupe aimerait saluer les progrès dans les négociations pour un salaire minimum européen, la mise en place d’outils pour une meilleure régulation des géants du numérique avec le Digital Markets Act et le Digital Services Act et une meilleure perspective quant à la réduction de 55 % des émissions de gaz à effets , dans l’Union, d’ici à 2030 complétée par mécanisme d’ajustement carbone aux frontières

Par ailleurs, au niveau national nous avons pris la mesure, avec le projet de loi sur le pouvoir d’achat, des conséquences économiques de la crise ukrainienne sur notre pays. L’inflation, l’augmentation du coût de l’énergie voire les risques de pénuries seront compensés par des mesures ambitieuses qui permettront de juguler durablement la crise.

Ainsi, nous avons voté, la revalorisation de 4% des retraites des plus modestes et des minimas sociaux, le triplement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, le chèque alimentaire mais aussi le plafonnement des loyers.

Si des solutions peuvent et doivent être trouvées au niveau national, l’Union fait plus que jamais la force, et il appartiendra à la France en accord avec nos partenaires européens, de trouver des propositions communes pour limiter les effets de la crise mais aussi pour bâtir, à plus long terme, une politique d’indépendance et d’autonomie sur le plan énergétique, conciliable avec le respect de l’environnement.

Il ne nous faut jamais oublier que chaque décision européenne a des répercussions nationales mais aussi locales. La publicité des actions de l’Union Européenne, jusque dans nos territoires, où nos concitoyens se sentent parfois oubliés doit être un devoir.

Le 27 juin, les États membres ont d’ailleurs convenu d’un objectif contraignant de 40 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique européen d’ici à 2030. C’est un pas de géant pour le respect de l’environnement mais aussi pour la réduction de la dépendance aux hydrocarbures russes et ces mesures profiteront à tous.

Mais le Gouvernement a très bien rappelé lui-même ses divers succès qui font de notre présidence une véritable réussite. Alors permettez-moi de souligner, au sein même de notre hémicycle, le rôle qu’a pu jouer la dimension parlementaire de cette présidence française.

Les 4 et 5 mars dernier, en tant que présidente de la Commission des Affaires Européennes, avec mon homologue François Rupin au Sénat, nous avons réuni près de 200 parlementaires de toute l’Union dans l’hémicycle.

Cette réunion de la conférence des organes spécialisés dans les affaires de l’Union à laquelle participent des membres des commissions des affaires européennes des parlements nationaux et des députés européens, a été l’occasion pour nous d’affirmer solidairement notre soutien à l’Ukraine. Nous l’avons fait par une déclaration cosignée par les présidents de délégations parlementaires de tous les États membres et de six pays candidats à l’entrée dans l’Union ou voisins (Albanie, Suisse, Islande, Norvège, Andorre, Géorgie).

Mais nous ne nous sommes pas arrêtés là et dans notre élan, deux groupes de travail se sont constitués. L’un sur l’état de droit et l’autre sur le rôle des parlements nationaux. J’ai ainsi eu l’honneur de présider le premier et des propositions concrètes ont pu être formulées. A titre d’exemple, nous souhaitons la création d’une conférence européenne sur l’État de droit qui se réunirait chaque année pour débattre du contenu à donner à ce concept et permettrait de compléter sa définition. En complément, nous avons appelé de nos vœux la création d’une instance d’expertise qui assisterait les États membres sur ce sujet. 

A l’heure où les démocraties illibérales progressent dans et hors de nos frontières, nous devons récréer un sentiment d’appartenance entre les peuples européens. Aussi, je crois profondément au patriotisme constitutionnel d’Habermas et à la force des valeurs qui nous unissent. Avec nos collègues parlementaires français et européens, nous avons essayé d’insuffler cette dynamique tout au long de la dernière législature et nous continuerons dans les cinq à venir.

Chers collègues, souvenez-vous de notre devise « Partout où ses membres sont réunis, là est l’Assemblée nationale ». Il en va de même pour notre Union, elle vit au travers de toutes les instances démocratiques qui la composent. Je sais combien parmi ses bancs, certains veulent s’y opposer, la censurer, voir la quitter. Le groupe démocrate est profondément européen dans son identité mais nous sommes conscients qu’il reste des marges d’améliorations à notre projet.

Saisissons-nous, soyons acteurs de l’Europe que nous voulons dessiner. Restons unis de la diversité.

Finalement j’aimerais faire mienne, au nom du groupe Démocrate, la déclaration du Président de la République prononcée il y a quelques jours au Conseil Européen : « L’Europe de Juin 2022 est très différente de celle de Janvier 2022 ». Ce constat nous engage. Je vous remercie. »

Sabine Thillaye – groupe Démocrate – 28 juillet 2022

Publié le 28/07/2022
Sabine THILLAYE