Députée d'Indre-et-Loire
Membre de la commission Affaires étrangères
Membre de la commission des Affaires européennes

24 Sep

Suite du dossier de la REP PMCB

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Il y a deux ans, je vous parlais ICI de la filière REP PMCB, pour « responsabilité élargie aux producteurs des produits et matériaux de construction du bâtiment ». Il s’agissait de la filière de traitement des déchets du bâtiment, mise en place par la loi AGEC.

A l’époque, l’ARI, l’Association des recycleurs indépendants, m’avait alertée sur les conséquences de la mise en place de cette filière, telle qu’elle se profilait, qui risquait de les déposséder de leur métier au profit de quelques mastodontes. Je m’étais alors engagée à ajouter ma voix à celles d’autres députés pour réclamer un moratoire de cette filière et un retour à la table des négociations.

S’en sont suivis, de mon côté, plusieurs rendez-vous avec plusieurs ministères, pour attirer l’attention du gouvernement sur ce dossier qui menaçait non seulement les opérateurs du traitement des déchets dans les territoires, mais également les professionnels du bâtiment, redevables de l’éco-contribution censée financer la REP. En effet, très rapidement, il est apparu que cette filière REP connaissait d’importants dysfonctionnements. Ainsi, les professionnels du bâtiment se trouvaient contraints de payer l’éco-contribution, tout en continuant de payer par ailleurs le traitement de leurs déchets par leurs partenaires historiques, faute de les voir pris en charge par la REP, comme cela était prévu ! Il y avait là un non-sens économique, doublée d’une efficacité écologique discutable.

Très vite, il m’a semblé que le nœud du problème se trouvait dans cette captation, par quelques importants acteurs privés, du marché jusqu’ici partagé entre une multitude de petites entreprises qui s’étaient spécialisées au fil des ans, afin de fournir un service de traitement des déchets efficace et adapté.

Puis il y a eu la dissolution, les changements de gouvernement, et sans cesse, je repartais à la charge. C’est pourquoi j’ai salué le moratoire annoncé il y a quelques mois pour Agnès Pannier-Runacher. L’alors ministre de la Transition écologique prenait acte des dysfonctionnements de la REP et demandait un retour à la table des négociations des acteurs de la REP.

J’ai donc publié cet été, dans La Revue du Trombinoscope, une tribune appelant à repenser la place des opérateurs historiques de la filière de traitement de ces déchets dans cette REP. J’en ai par ailleurs longuement parlé avec la Fédération française du bâtiment 37 et son nouveau président, Marcel Roullet, il y a une dizaine de jours. Je continue donc, plus que jamais, à travailler sur ce dossier et attends la formation du nouveau gouvernement pour repartir en campagne !

Ci-dessous, la version in extenso de ma tribune dans La revue du Trombinoscope :

Les enseignements de la REP bâtiment

Sabine Thillaye

Le 20 mars, la ministre de la transition écologique prenait, non sans courage, la mesure des difficultés opérationnelles dans lesquelles s’enfonçait la filière REP PMCB, dite REP bâtiment, annonçant un moratoire et un retour à la table des négociations. Or certains reproches adressés à cette filière REP valent pour d’autres. Dès lors, ne faut-il pas espérer que cette refonte serve en même temps à repenser les modalités opérationnelles des filières REP, afin d’éviter que d’autres, à l’avenir, ne s’enrayent de la sorte ? N’y a-t-il pas, dans ce moment vertigineux qui voit le ministère contraint de remettre sur le métier un ouvrage mal-né, une opportunité de redéfinir les mécanismes qui doivent permettre à ces filières d’atteindre leurs objectifs ?

La juste place

Après plusieurs reports (alors même que les éco-contributions étaient dûment perçues depuis plusieurs mois), le lancement effectif de la filière a eu lieu le 1er mai 2023. Très vite, les entreprises du bâtiment ont fait remonter de nombreux dysfonctionnements que le ministère, aujourd’hui, essaie de lever. Mais ces dysfonctionnements forment un tout, dont il faut identifier la cause profonde.

Le péché originel de cette filière a été d’essayer à tout prix de plaquer sur des écosystèmes déjà organisés une filière opérationnelle opportunément créée. De déposséder de leurs marchés les entreprises spécialisées dans le traitement des déchets, en totale méconnaissance de leurs compétences métier patiemment acquises, de leurs investissements sur le temps long (équipements, certifications, …), et de leur poids économique et social dans les territoires.

Or c’est en tant qu’outil de pilotage stratégique, en surplomb et en appui, qu’une filière REP a le plus à offrir. Celle-ci, comme d’autres, a au contraire voulu s’immiscer dans la chaîne de valeur, déstabilisant le marché sous prétexte de le rationnaliser. Inscrire les acteurs historiques du traitement des déchets au cœur des filières REP relève pourtant du bon sens : on ne casse pas ce qui a fait ses preuves, on l’intègre dans une stratégie globale.

Mieux encadrer

Il n’est ni acceptable, ni pertinent de laisser des éco-organismes désorganiser le marché en imposant aux recycleurs des barèmes léonins pour avoir le droit de continuer à faire leur métier. De leur retirer la propriété de la matière, qui est partie intégrante de leur business model et qu’ils sont les plus à même de valoriser. De donner, par la loi, de telles prérogatives à des éco-organismes qui, en dépit d’un nom qui ressemble à celui d’une structure publique, sont avant tout des sociétés privées.

En ce qui concerne la REP bâtiment, un éco-organisme en particulier avait compris l’intérêt qu’il y avait à travailler intelligemment avec les recycleurs, quand un autre – qui  représentait à lui seul près des trois-quarts de la filière REP, au mépris du jeu de la concurrence – montrait clairement les limites du système, en se positionnant de façon extrêmement agressive sur le marché, avec des éco-contributions trop basses pour se financer, des barèmes inacceptables pour les opérateurs, des appels d’offres cavaliers et finalement des reculades successives pour justifier son incapacité à tenir ses engagements.

Les difficultés qu’a connues cette filière REP doivent être le coup de semonce qui nous pousse à réévaluer la mission de ces filières : financière, et non opérationnelle. Encadrer, appuyer – et non se substituer à l’existant. Le traitement et la valorisation des déchets ne s’invente pas : appuyons-nous sur ceux dont c’est le métier, sur les réseaux qu’ils ont tissés, leurs compétences, leur expertise. Intelligemment pilotés, dans une stratégie claire, ils seront les meilleurs garants du succès des filières REP et de leurs objectifs écologiques, économiques et sociaux.

Publié le 24/09/2025
Sabine THILLAYE